Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
l’île mystérieuse.

prit le chemin du cap Griffe. Pencroff et l’ingénieur causaient de divers projets qu’il convenait de mettre à exécution dans le plus bref délai. Il fallait avant tout jeter un pont sur la Mercy, afin d’établir une communication facile avec le sud de l’île ; puis, le chariot reviendrait chercher l’aérostat, car le canot n’eût pu suffire à le transporter ; puis, on construirait une chaloupe pontée ; puis, Pencroff la gréerait en cotre, et l’on pourrait entreprendre des voyages de circumnavigation… autour de l’île ; puis, etc.

Cependant, la nuit venait, et le ciel était déjà sombre, quand les colons atteignirent la pointe de l’Épave, à l’endroit même où ils avaient découvert la précieuse caisse. Mais là, pas plus qu’ailleurs, il n’y avait rien qui indiquât qu’un naufrage quelconque se fût produit, et il fallut bien en revenir aux conclusions précédemment formulées par Cyrus Smith.

De la pointe de l’Épave à Granite-house, il restait encore quatre milles, et ils furent vite franchis ; mais il était plus de minuit, quand, après avoir suivi le littoral jusqu’à l’embouchure de la Mercy, les colons arrivèrent au premier coude formé par la rivière.

Là, le lit mesurait une largeur de quatre-vingts pieds, qu’il était malaisé de franchir, mais Pencroff s’était chargé de vaincre cette difficulté, et il fut mis en demeure de le faire.

Il faut en convenir, les colons étaient exténués. L’étape avait été longue, et l’incident du ballon n’avait pas été pour reposer leurs jambes et leurs bras. Ils avaient donc hâte d’être rentrés à Granite-house pour souper et dormir, et si le pont eût été construit, en un quart d’heure ils se fussent trouvés à domicile.

La nuit était très-obscure. Pencroff se prépara alors à tenir sa promesse, en faisant une sorte de radeau qui permettrait d’opérer le passage de la Mercy. Nab et lui, armés de haches, choisirent deux arbres voisins de la rive, dont ils comptaient faire une sorte de radeau, et ils commencèrent à les attaquer par leur base.

Cyrus Smith et Gédéon Spilett, assis sur la berge, attendaient que le moment fût venu d’aider leurs compagnons, tandis que Harbert allait et venait, sans trop s’écarter.

Tout à coup, le jeune garçon, qui avait remonté la rivière, revint précipitamment, et, montrant la Mercy en amont :

« Qu’est-ce donc qui dérive là ? » s’écria-t-il.

Pencroff interrompit son travail, et il aperçut un objet mobile qui apparaissait confusément dans l’ombre.

« Un canot ! » dit-il.