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l’île mystérieuse.

de remplacer cet agent, dont la puissance dynamique, à l’intérieur du globe, a évidemment diminué, – ce que prouve le grand nombre de volcans actuellement éteints à la surface de la terre. Et je crois bien que, les siècles succédant aux siècles et les infusoires aux infusoires, ce Pacifique pourra se changer un jour en un vaste continent, que des générations nouvelles habiteront et civiliseront à leur tour.

— Ce sera long ! dit Pencroff.

— La nature a le temps pour elle, répondit l’ingénieur.

— Mais à quoi bon de nouveaux continents ? demanda Harbert. Il me semble que l’étendue actuelle des contrées habitables est suffisante à l’humanité. Or, la nature ne fait rien d’inutile.

— Rien d’inutile, en effet, reprit l’ingénieur, mais voici comment on pourrait expliquer dans l’avenir la nécessité de continents nouveaux, et précisément sur cette zone tropicale occupée par les îles coralligènes. Du moins, cette explication me paraît plausible.

— Nous vous écoutons, monsieur Cyrus, répondit Harbert.

— Voici ma pensée : les savants admettent généralement qu’un jour notre globe finira, ou plutôt que la vie animale et végétale n’y sera plus possible, par suite du refroidissement intense qu’il subira. Ce sur quoi ils ne sont pas d’accord, c’est sur la cause de ce refroidissement. Les uns pensent qu’il proviendra de l’abaissement de température que le soleil éprouvera après des millions d’années ; les autres, de l’extinction graduelle des feux intérieurs de notre globe, qui ont sur lui une influence plus prononcée qu’on ne le suppose généralement. Je tiens, moi, pour cette dernière hypothèse, en me fondant sur ce fait que la lune est bien véritablement un astre refroidi, lequel n’est plus habitable, quoique le soleil continue toujours de verser à sa surface la même somme de chaleur. Si donc la lune s’est refroidie, c’est parce que ces feux intérieurs auxquels, ainsi que tous les astres du monde stellaire, elle a dû son origine, se sont complètement éteints. Enfin, quelle qu’en soit la cause, notre globe se refroidira un jour, mais ce refroidissement ne s’opérera que peu à peu. Qu’arrivera-t-il alors ? C’est que les zones tempérées, dans une époque plus ou moins éloignée, ne seront pas plus habitables que ne le sont actuellement les régions polaires. Donc, les populations d’hommes, comme les agrégations d’animaux, reflueront vers les latitudes plus directement soumises à l’influence solaire. Une immense émigration s’accomplira. L’Europe, l’Asie Centrale, l’Amérique du Nord seront peu à peu abandonnées, tout comme l’Australasie ou les parties basses de l’Amérique du Sud. La végétation suivra l’émigration humaine. La flore reculera vers