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Je m’amuse à bouleverser ces tas de feuilles sous mes pieds.

Plus loin, de hauts marronniers, avec les marrons tombés.

J’en ramasse plein mes poches pour en faire des chapelets ; mais je ne pensais pas au bon Dieu en les enfilant !

Je me figure que je troue des rognons, de ces beaux rognons frais, violets, luisants que j’entrevois chez les bouchers…


Ce que j’aime, c’est le soleil qui passe à travers les branches et fait des plaques claires, qui s’étalent comme des taches jaunes sur un tapis ; puis les oiseaux qui ont des pattes élastiques comme des fils de fer, avec une tête qui remue toujours ; — et surtout cet air frais, ce silence !

On ne distingue que la cloche du couvent de Sainte-Marie, et le bruit que fait un attelage à grelots dans la route blanche, là-bas…

« Écoute, mademoiselle Balandreau, on n’entend que moi… »

Et je jette un cri, ou je lance une pierre bien haut, qui emplit tout l’horizon et retombe.

C’est comme un coup sur la poitrine.

Quelquefois sur les bancs du fond un monsieur et une dame s’asseyent et causent tout bas.

Mademoiselle Balandreau m’éloigne, mais je me retourne.

Comme ils s’embrassent !