— Aning ! les gars ! — ceux de Farreyrol en avant !
On franchit les fossés, en se baissant dans la course pour ramasser des pierres ; en cassant, dans les buissons qu’on saute, une branche à nœuds ; j’en vois même un qui a un vieux fusil ! ils ne crient pas, ils vont essoufflés et pâles…
Voilà le cabaret !
On entend des bouteilles qui se brisent, des cris de douleur : « À moi, à moi ! » Comme un sanglot.
C’est Bugnon le Velu qui crie !
Ils se sont jetés sur ce cabaret comme des mouches sur un tas d’ordures ; comme j’ai vu un taureau se jeter sur un tablier rouge, un soir, dans le pré.
Du rouge ! il y en a plein les vitres du cabaret et plein les bouches des paysans…
Est-ce du vin du Vivarais ou du sang de Farreyrol qui coule ?
J’ai la tête en feu, car j’ai du sang de Farreyrol aussi dans mes veines d’enfant !
Je veux y être comme les autres, et taper dans le tas !
Je me sens pris par un pan de ma veste, arrêté brusquement, et je tombe, en me retournant, dans les bras de ma tante, qui n’a pas empêché ses fils d’aller au cabaret de Destougnal ; mais qui ne veut pas que son petit neveu soit dans cette tuerie !
Ça ne fait rien ! Si je peux de derrière un arbre lancer une pierre aux gendarmes, je n’y manquerai pas ! Comme j’aimerais cette vie de labour, de reinage et de bataille !