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des flots de poussière ou en envoyant des étoiles de boue.

Elle était assaillie par un troupeau de portefaix qui se disputaient les bagages, et vomissait de ses flancs jaunes des gens engourdis qui s’étiraient les jambes sur le pavé.

Ils tombaient dans les bras d’un parent, d’un ami, on se serrait la main, on s’embrassait ; c’étaient des adieux, des au revoir ! à n’en plus finir.

On avait fait connaissance en route ; les messieurs saluaient avec regret des dames, qui répondaient avec réserve :

« Où aurai-je le plaisir de vous retrouver ?

— Nous nous rencontrerons peut-être. Ah ! voici maman.

— Voici mon mari.

— Je vois mon frère qui arrive avec sa femme. »

Il y avait des Anglais qui ne disaient rien et des commis voyageurs qui parlaient beaucoup.

Tout le monde remuait, courait, s’échappait comme les insectes quand je soulevais une pierre au bord d’un champ.


J’en ai vu pourtant qui restaient là, à la même place, fouillant le boulevard et le Breuil du regard, attendant quelqu’un qui ne venait pas.

Il y en avait qui juraient, d’autres qui pleuraient.


Je me rappelle une jeune femme qui avait une tête fine, longue et pâle.