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un vagabond. Il fallait être rentré à huit heures, ou sinon je coucherais dans la rue.


J’y ai couché.

C’est long, une nuit à assassiner, et vers deux heures du matin il a plu. J’étais trempé jusqu’aux os, j’avais les pieds glacés, et je me cachais sous les auvents des portes. J’avais peur aussi des sergents de ville ! J’ai tourné, tourné, autour de la maison. À dix heures, elle avait été fermée, suivant la menace. J’avais trouvé le verrou mis.

Demain encore, je le trouverai tiré si mon père a autant de courage que moi.

Je ne tiens pas à rôder dans les rues. J’aimerais mieux être dans ma chambre, mais on a l’air de me menacer. Je ne veux pas paraître avoir peur, et je grelotte, et mes dents claquent.

Comme c’est froid, quand le soleil se lève !


Je ne suis rentré que quand mon père devait être au collège, à huit heures et demie du matin.

Il n’était pas sorti. C’est la première fois, depuis la scène sanglante avec ma mère, qu’il a manqué la classe.

M’avait-il vu et m’attendait-il ? Était-il malade de fureur ?

La porte était à peine poussée qu’il s’est jeté sur moi. Il était blanc comme un mort.

« Gredin, dit-il, je vais te casser les bras et les jambes ! »