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venue un jour pour demander si l’on était content de moi et pour parler en ma faveur.

— Ne vous y fiez pas ! et si vous avez des demoiselles qui ont de beaux yeux, ne les laissez pas trop courir quand il est là. Il y a déjà eu des histoires ! Il est parisien pour ça, allez ! et avant même d’aller à Paris, il avait (elle fait des cornes sur son front avec les doigts), oui, oui, comme je vous dis !… »

On me chasse le lendemain.

Mais j’étais engagé pour un mois, et l’on me paye le mois entier. « Cinquante francs. »


Avec cet argent-là, je vais me commander des habits. Ma mère intervient.

« Je te les ferai moi-même, nous achèterons du drap.

— Oh ! non, par exemple, non !

— Mon fils ne m’aime plus, conte-t-elle, le soir, à une voisine qui a sa confiance. — S’il me laissait choisir le drap encore ! »

J’achète un costume tout fait.

Ma mère me suit en cachette et pendant que je traite elle demande à parler en particulier au patron de l’établissement et lui explique mon histoire.

« Donnez-lui du solide, murmure-t-elle, les larmes aux yeux ! »


Je vois un peu plus de monde, maintenant que je suis propre. Ma mère me prie de l’accompagner chez des gens qu’elle connaît.