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feuille de zinc et deviendrait d’or dans le beurre !

Un goujon pris par moi !

Il portait toute mon imagination sur ses nageoires !

J’allais donc vivre du produit de ma pêche ; comme les insulaires dont j’avais lu l’histoire dans les voyages du capitaine Cook.

J’avais lu aussi qu’ils faisaient des vitres à leurs huttes avec de la colle de poisson, et je voyais le jour où je placerais les carreaux à toutes les fenêtres de ma famille ; je me proposais de gratter tout ce qui « mordrait » et de mettre ce résidu d’écaille et de fiente dans ma grande poche.

Je le fis plus tard, mais la fermentation, au fond de la poche, produisit des résultats inattendus, à la suite desquels je fus un objet de dégoût pour mes voisins.

Cela ébranla ma confiance dans les récits des voyageurs, et le doute s’éleva dans mon esprit.


Il y avait une épicerie dans le fond de Pannesac, qui ajoutait aux odeurs tranquilles du marché une odeur étouffée, chaude, violente, qu’exhalaient les morues salées, les fromages bleus, le suif, la graisse et le poivre.

C’était la morue qui dominait, en me rappelant plus que jamais les insulaires, les huttes, la colle et les phoques fumés.

Je lançais un dernier regard sur Pannesac et près de la porte de pierre.

Je me jetais de côté pour laisser passer les grands chariots qui portaient tous ces fonds de campagne,