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miches, et eux aussi ont des habits avec des tons blanchâtres, ou couleur de seigle. Il y a des gâteaux, outre les miches, derrière les vitres : des brioches comme des nez pleins, et des tartelettes comme du papier mou.

À côté des haricots ou des graines charnues comme des fruits verts ou luisants comme des cailloux de rivière, les marchands avaient du plomb dans les écuelles de bois.

C’était donc là ce qu’on mettait dans un fusil ? ce qui tuait les lièvres et traversait les cœurs d’oiseaux ? On disait même que les charges parfois faisaient balle et pouvaient casser un bras ou une mâchoire d’homme.

Je plongeais mes doigts là-dedans, comme tout à l’heure j’avais plongé mon poing dans les sacs de grain, et je sentais le plomb qui roulait et filait entre les jointures comme des gouttes d’eau. Je ramassais comme des reliques ce qui était tombé des écuelles ou des sacs.


Les articles de pêche aussi se vendaient à Pannesac.

Tout ce qui avait des tons vifs ou des couleurs fauves, gros comme un pois ou comme une orange, tout ce qui était une tache de couleur vigoureuse ou gaie, tout cela faisait marque dans mon œil d’enfant triste, et je vois encore les bouchons vernis de rouge et les belles lignes luisantes comme du satin jaune.

Avoir une ligne, la jeter dans le frais des rivières, ramener un poisson qui luirait au soleil comme une