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discuter la misère, et demander du travail ou la mort.

« Hé ! Jean-Marie, puisqu’il n’y a pas de miche à la maison, vaut-il pas mieux passer le goût du pain ? »


Retourner là-bas ?

À qui parlerai-je de république et de révolte ?

Est-ce qu’on s’est jamais soulevé à Nantes ? Ce serait autre chose à Lyon !

Oh ! si je n’avais promis à ma mère ! — si elle n’avait pas pleuré !

Si elle n’avait pas pleuré, j’aurais dit : « Je ne veux pas partir. » Le puritain m’aurait placé comme garçon de bureau, comme homme de peine, dans un des journaux. Il y a justement (c’était une chance !), il y a une place au National ; on donne trente francs par mois pour tenir la copie, pour lire à l’homme qui corrige. J’aurais vécu avec ces trente francs-là. Ma besogne faite, je descendais dans l’imprimerie sentir l’encre et le papier, et je demandais aux ouvriers de m’apprendre l’état.

Si j’en parlais à ma mère ?


Je lui en parle.

« Tu m’avais dit, cependant…

— C’est vrai, oui. »

Je vais dire adieu au journaliste et à Matoussaint.

Le journaliste me donne du courage.