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mets du moins, moi qui, hier, ai ouvert l’Histoire de dix ans, qui n’en suis plus à 93. J’en suis à Lyon et au drapeau noir. Les tisseurs se fâchent, et ils crient : Du pain ou du plomb !


« Jacques, c’est lundi que nous partirons pour Nantes. »

Un coup de couteau ne me ferait pas plus de mal.

Il y a un mois, je serais parti content, et j’aurais peut-être craché sur Paris en passant la barrière, tant j’avais été étouffé là-dedans, tant j’avais eu de désillusions en voyant mes camarades, et mes maîtres.

Mais depuis un mois il y a eu les larmes de ma mère, et au lendemain de cette scène, la liberté pleine ; de temps en temps quarante sous, pour souper d’un peu de cochon avec des amis, et, le dimanche, dîner d’un bœuf braisé à Ramponneau.

J’ai été mêlé à la foule, j’ai entendu rire en mauvais français, mais de bon cœur. J’ai entendu parler du peuple et des citoyens, on disait Liberté et non pas Libertas.


Il a toujours été question de pauvreté autour de moi ; mon père a été humilié parce qu’il était pauvre, je l’ai été aussi, et voilà qu’au lieu des discours de Caton, de Cicéron, des gens en o, onis, us, i, orum, je vois qu’on se réunit sur la place publique pour