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chagrin, comme j’en ai vu dans les tableaux d’église, elle a laissé tomber sa tête dans ses mains…

Quand elle releva son visage, je ne la reconnaissais plus ; il y avait sur ce masque de paysanne toute la poésie de la douleur ; elle était blanche comme une grande dame, avec des larmes comme des perles dans les yeux.

« Pardon ! »

Elle me prit la main. Je demandai pardon encore une fois.

« Je n’ai pas à te pardonner… J’ai à te demander seulement, vois-tu, de ne plus me dire de ces mots durs. »

Elle baissa la voix et murmura :

« Surtout, si je les ai mérités, mon enfant…

— Non, non, dis-je à travers les larmes.

— Peut-être, fit-elle. Je veux être seule ce soir, tu peux sortir… Laisse-moi. Laisse-moi. »

Elle me fit donner la clef — « pour qu’il puisse rester jusqu’à minuit, » avait-elle dit à M. Molay, le propriétaire.

Je pris le premier chemin qui s’ouvrit devant moi, je me perdis dans une rue déserte, et je pensai, tout le soir, aux paroles touchantes qui venaient d’effacer tant de paroles dures et de gestes cruels…


« Jacques ? est-ce que tu veux nous accorder cette grâce d’aller encore au collège ?

— Oui, mère. »