Ma mère devine le fond de ma pensée.
« Je parie, — oui, je parie ! — qu’il consentirait à ce que les sacrifices qu’on a faits pour lui soient perdus. Il accepterait de quitter le collège, tenez ! Il laisserait ses études en plan !… »
Pour ce que ça m’amuse et pour ce que ça me servira !… (c’est en dedans toujours que je fais ces réflexions).
« Mais répondras-tu, crie ma mère, me répondras-tu ?
— À quoi voulez-vous que je réponde ?
— Que comptes-tu faire ? As-tu une idée, quelque chose en tête ? »
Je ne réponds pas, mais tout bas je me dis :
Oui, j’ai une idée et quelque chose en tête ! J’ai l’idée que le temps passé sur ce latin, ce grec — ces blagues ! est du temps perdu ; j’ai en tête que j’avais raison étant tout petit, quand je voulais apprendre un état ! J’ai hâte de gagner mon pain et de me suffire !
Je suis las des douleurs que j’ai eues et las aussi des plaisirs qu’on me donne. J’aime mieux ne pas recevoir d’éducation et ne pas recevoir d’insultes. Je ne veux pas aller au théâtre le lundi, pour que le mardi on me reproche de m’y avoir conduit ; je sens que je serai malheureux toujours avec vous, tant que vous pourrez me dire que je vous coûte un sou !…
Voilà ce que je pense, ma mère !
J’ai à vous dire autre chose encore ; — malgré moi je me souviens des jours, où, tout enfant, j’ai souffert