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l’argument de la vache, m’a ôté des scrupules, m’a frappé.

Cette vache… c’est vrai ! Ils ne m’ont pas pris pour mes beaux yeux, bien sûr !

« Non, va, tu peux être tranquille, » a repris ma mère, qui lisait mes réflexions dans mon silence et mon regard.


Je le plains tout de même, ce malheureux. J’obtiens de ma mère qu’elle ne fasse pas de scène, et nous obtenons du propriétaire qu’il laisse sortir mon trousseau. On quitte la pension, je ne sais comment. On prend un fiacre pour aller rejoindre les malles que ma mère a laissées au bureau de la diligence.

Elle murmure toujours des injures contre Legnagna ; ce sont des ricanements, des cris : elle le blague et le bouscule de la voix, du geste, comme s’il était là :

« Voulez-vous bien vous taire ! Ah ! si vous m’aviez dit ce que vous lui avez dit ! (Se tournant vers moi :) Tu n’as pas eu de cœur de t’être laissé traiter ainsi ! Ah ! tu n’es pas le fils de ta mère ! »

Suis-je un enfant du hasard ? Ai-je été fouetté par erreur pendant treize ans ? Parlez, vous que j’ai appelée jusqu’ici genitrix, ma mère, dont j’ai été le cara soboles, parlez !


« Et où allons-nous, maintenant ? »

Ma mère me pose cette question quand nous