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camarades. Je puis penser, causer avec moi, ce sont mes seuls moments de grand silence. Je ne suis pas distrait par le bruit de la foule où ma timidité m’isole, je ne suis pas troublé par les bruits de dictionnaires, ni les récits de grand concours.

Je me souviens de ceci, de cela, — d’une promenade à Vourzac, d’une moisson au grand soleil ! — et dans le calme de cette pension qui s’endort, la tête tournée vers la fenêtre d’où j’aperçois le champ du ciel, je rêve non à l’avenir, mais au passé.


On m’appelle un jour chez Legnagna.

Il me délivre un paquet que ma mère m’envoie ; il a l’air furieux.

« Vous emporterez cela aussi, » me dit-il.

Il me glisse en même temps un pot et me reconduit vers la porte.

Je n’y comprends rien, je déplie le paquet. J’y trouve une lettre :


« Mon cher fils,

« Je t’envoie un pantalon neuf pour ta fête, c’est ton père qui l’a taillé sur un de ses vieux, c’est moi qui l’ai cousu. Nous avons voulu te donner cette preuve de notre amour. Nous y ajoutons un habit bleu à boutons d’or. Par le même courrier, j’envoie à M. Legnagna un bocal de cornichons pour le disposer en ta faveur.

« Travaille bien, mon enfant, et relève tes basques quand tu t’assieds. »