Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous tuons mal l’après-midi. — C’est ennuyeux, je trouve, de se promener quand tous les autres se promènent aussi, et qu’on a tous l’air bête. Ah ! si c’était comme en semaine ! On verrait grouiller le monde ! Aujourd’hui, on ne fait pas de bruit ; on glisse comme des prêtres.

Il faudrait aller à Meudon ! Là on rit, on s’amuse.

Mais, c’est dix sous de Paris à Meudon ! Attendons qu’on ait fait fortune !

« Ça fait du bien de marcher par ce froid-là », dit Matoussaint, — qui veut me faire croire qu’il s’amuse, mais qui grelotte, comme un lustre qu’on époussette.

J’aimerais mieux me porter plus mal et avoir plus chaud.

Les dimanches de pluie, nous allons dans les musées.

« On apprend toujours quelque chose, » dit Matoussaint, en entrant dans les galeries.

« On apprend quoi ?

— Tu contemples les tableaux, les marbres !

— Et après ? »

Matoussaint m’appelle positif, et me dit avec amertume :

« Toi qui as fait de si beaux vers latins ! »

C’est vrai, tout de même !

Matoussaint me voit ébranlé et continue :

« Tu renies tes dieux, tu craches sur ta lyre !

— Messieurs, crie le gardien en habit vert, en étendant sa baguette et nous montrant du son, si vous voulez cracher, c’est dans le coin. »