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Je vendis un discours latin à la composition du mardi, — vingt sous comptant.

Je faisais ce commerce quelquefois, je procurais ainsi une bonne place à quelqu’un qui attendait un oncle, ou qui voulait épater pour sa fête, ou qui avait un intérêt quelconque à être dans les dix, quoi !

Je retournai aux Hollandais, mes trente sous dans le creux de la main. On ne voulut pas mon argent. C’est la caisse de Saint-Cyr ou une souscription des volailles qui avait réglé la casse et les consommations.

J’eus de l’argent devant moi, et en plus une réputation de friand du coup de poing.

N’importe, je reviens toujours pensif de cet estaminet de riches ! Et la nuit, dans mon lit d’écolier, je me demande ce que je deviendrai, moi que l’on destine à une école dans laquelle j’ai peur d’entrer, moi qui n’ai pas, comme ces volailles, ma volonté, mon but, et qui n’aurai pas de fortune.


Ma vie des dimanches change tout d’un coup.

Il y avait au collège de Nantes un élève modèle nommé Matoussaint.

Matoussaint vient rester à Paris. Mon père lui a donné une lettre qui l’autorise à me faire sortir le dimanche.

Matoussaint n’est libre qu’à deux heures. C’est bien assez de la demi-journée, — nous ne savons que faire jusqu’à cinq heures ; nous ne voulons pas aller au café pour ne pas dépenser notre argent. Il m’a apporté vingt francs de la part de ma mère ; mais je les ménage.