Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XIX

LOUISETTE


M. Bergougnard a été le camarade de classe de mon père.

C’est un homme osseux, blême, toujours vêtu sévèrement.

Il était le premier en dissertation, mon père n’était que le second, mais mon père redevenait le preu en vers latins. Ils ont gardé l’un pour l’autre une admiration profonde, comme deux hommes d’État qui se sont combattus, mais ont pu s’apprécier.

Ils ont tous les deux la conviction qu’ils sont nés pour les grandes choses, mais que les nécessités de la vie les ont tenus éloignés du champ de bataille.

Ils se sont partagé le domaine.

« Toi, tu es l’Imagination, dit Bergougnard, une imagination brûlante… »

Mon père se rengorge et se donne un mal du diable pour se mettre un éclair dans les yeux, il jette un regard un peu trouble dans l’espace — et se dépeigne en cachette.