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me trouve trop triste. — Je suis habillé à neuf. Seulement on a choisi une drôle d’étoffe, j’ai l’air d’être dans un bas de laine, c’est terne, à côtes, mais si terne !

Comme ça déteint, je fais des taches aux habits des autres.

On s’écarte de moi. Ma mère elle-même ne me parle que de loin comme à un étranger presque ! — Oh ! mon Dieu !


« Je dan-se-rai, » a-t-elle dit ; et elle danse.

Elle embrouille le quadrille, marche sur quelques pieds, mais, bah ! elle sauve tout par de petites plaisanteries et des petits airs ; — une véritable écolière, je vous dis !

Au galop final une idée lui vient, celle de faire partager à son enfant les joies de Terpsichore, et s’éloignant du galop une seconde, elle me saisit et m’attire dans le tourbillon. Le galop est fini que je saute encore, et elle a l’air d’un Savoyard qui fait danser une marionnette. — Ça me fait si mal sous les bras !


Depuis quelque temps elle est rêveuse.

« Ta mère a quelque idée en tête, » fait mon père du ton d’un homme qui prévoit un malheur.

Elle s’enferme toute seule, et on entend des bruits, des petits cris, des tressaillements de plancher ; on l’a surprise à travers la porte qui faisait des grâces devant un miroir, en s’appuyant le front.