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Ce chose de bouteille (je vous obéirai, ma mère) m’a rendu un fier service. Je reste à la maison et je ne rôde plus dans les chemins vides, bordés d’arbres, auxquels je ne puis pas grimper, ourlés d’herbe sur laquelle je ne puis pas me rouler, et dans la poussière desquels je traîne, comme un insecte estropié dans la boue.

Je reste devant une table où il y a des livres que j’ai l’air de lire, tandis que je fais des rêves qu’on ne devine pas.

Mon père travaille de l’autre côté et ne me gêne pas, excepté quand il se mouche avec trop de fracas. Il a bien, bien soin de son nez.

Je n’ai pas besoin de travailler beaucoup pour le collège, je suis souvent le premier, et je n’ai qu’à faire claquer les feuilles du dictionnaire pour que mon père croie que je cherche des mots, tandis que je cours après des souvenirs de Farreyrolles, du Puy, de Saint-Étienne…

Je trouve une drôle de joie à regarder dans ce passé !

On nous donne quelquefois un paysage à traiter en narration. J’y mets mes souvenirs.

« Vous avez fait de mauvais devoirs cette semaine, me dit le professeur, qui n’y retrouve ni du Virgile, ni de l’Horace, si ce sont des vers ; ni des guenilles de Cicéron, si c’est du latin ; ni du Thomas, ni du Marmontel, si c’est du français. »

Mais je vais arriver à être le dernier un de ces matins !