Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Trois — je reviens, et je fends le tapis comme avec un couteau.

C’est un clou de mon soulier.

Ma mère était derrière modestement et n’a rien vu.

Elle me souffle :

« Le sourire, maintenant ! »

Je souris.

« Et il rit, encore ! » murmure indignée la femme du proviseur.

Oui, et je continue à éventrer le tapis.

« C’est trop fort ! »

On se rapproche, on m’enveloppe, je suis fait prisonnier. Ma mère demande grâce.

Moi j’ai perdu la tête et je crie : « Nanette ! Nanette ! »

« Mon avancement est fichu pour cinq ans, dit mon père, le soir en se couchant. »

On renvoie M. Soubasson le lendemain, comme un malotru, et nous en faisons tous trois une maladie. Je retourne aux mauvaises manières ; je n’en suis pas fâché pour mon petit doigt qui se détend, reprend sa forme accoutumée. Je préfère avoir de mauvaises manières et n’avoir pas l’auriculaire comme une queue de rat empoisonné.


J’ai une veine dans mon malheur.

Ma blessure au pied était mal guérie. Elle se rouvre de temps en temps, et je mens un peu d’ailleurs pour avoir le droit de ne pas sortir, sous prétexte que je ne puis marcher. Je la gratte même, et je la gratterais encore davantage, mais ça me chatouille.