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par derrière au poulain blanc que monte le petit du préfet.

J’ai pensé à elle tout le temps, en faisant mes thèmes.


Je reste quelquefois longtemps sans la voir, elle garde la maison au village, puis elle arrive tout d’un coup, un matin, comme une bouffée.

« C’est moi, dit-elle, je viens te chercher pour t’emmener chez nous ! Si tu veux venir ! »

Elle m’embrasse ! Je frotte mon museau contre ses joues roses, et je le plonge dans son cou blanc, je le laisse traîner sur sa gorge veinée de bleu !

Toujours cette odeur de framboise.

Elle me renvoie, et je cours ramasser mes hardes et changer de chemise.

Je mets une cravate verte et je vole à ma mère de la pommade pour sentir bon, moi aussi, et pour qu’elle mette sa tête sur mes cheveux !

Mon paquet est fait, je suis graissé et cravaté : mais je me trouve tout laid en me regardant dans le miroir, et je m’ébouriffe de nouveau ! Je tasse ma cravate au fond de ma poche, et, le col ouvert, la casquette tombante, je cours avoir un baiser encore. Ça me chatouillait ; je ne lui disais pas.


Le garçon d’écurie a donné une tape sur la croupe du cheval, un cheval jaune, avec des touffes de poils près du sabot ; c’est celui de ma tatan Mariou, qu’on enfourche, quand il y a trop de beurre à porter, ou de