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Je ne réponds rien à la question de ma mère, dont les yeux vont avec une ironie froide de son fils à son époux.

« Il peut attendre, bien sûr, dit-elle en se replongeant dans son coin, et ne paraissant pas plus se soucier de mon père que s’il n’existait pas. »


Cela a duré trois jours, les demandes d’argent et les refus de versement !

Mon père s’est fâché ; — il y a même eu scandale, d’abord, sur le pas d’une auberge, puis dans un wagon : et ma mère a eu le dessus : mon père a demandé grâce.

C’est qu’elle est courageuse et franche. — Elle dit souvent : « Je suis franche comme l’or. »

Et, comme elle est franche, elle reproche tout haut à mon père, devant les hôteliers, devant les voyageurs, d’être un homme sans cœur, un époux sans conduite.

Elle conte son histoire, elle dit les noms tout haut.

« C’est le regret de quitter ta Brignoline qui te talonne. — Ah ! ah ! — On veut s’empiffrer pour oublier… Monsieur veut peut-être l’argent pour lâcher sa femme et son fils et retourner chez sa maîtresse. »

Mon père qui a demandé cinq malheureux francs ! Ce n’est pas avec cela !

Il est sur des épines, tâche de couper les phrases, de morceler les mots, de détruire l’effet ; mais, ma mère est si franche.

« Tu ne me feras pas taire, je pense ! Tu n’as pas