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— Oui, sur quoi ? — (Ma mère est aigre, très aigre.)

— Hé ! la bonne femme ! »

Rien ne bouge que mes colis qui ont failli s’écrouler.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Mes amis, nous nous sommes tous trompés… »

La voix de mon père a un accent religieux, des notes graves ; on dirait qu’une larme vient d’en mouiller les cordes.

« Tous trompés, reprend-il avec le ton du plus sincère repentir.

« Ce que nous avons devant nous n’est pas un homme, n’est pas une femme, c’est la PUCELLE D’ORLÉANS. »

Il s’arrête un moment :

« Jacques, c’est la Pucelle ! »

J’ai entendu parler d’elle en classe : la vierge de Domrémy, la bergère de Vaucouleurs !

« C’est la Pucelle, Jacques ! »

Je sens qu’il faut être ému, je ne le suis pas. J’ai trop de paniers, aussi !

Ma mère a pris dans le ménage le rôle ingrat, elle a voulu être mère de famille, selon la Bible, et elle n’a guère eu que le temps de fouetter son enfant et de lui faire des polonaises ; elle connaît de réputation Jeanne Darc, mais elle ignore le nom chaste que lui a donné l’Histoire.

« Quand tu auras fini de dire des saletés à cet enfant ! »

Les bras lui tombent en voyant que mon père me dit des mots qui ne doivent pas se dire, pendant que