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cœur qui tout d’un coup battait au-dessus du sein qui m’avait porté, tout cela me troubla beaucoup et je m’avançai comme si j’avais marché dans de la colle.

« Tu ne viens pas embrasser ta mère ! » s’écria-t-elle attristée de ce retard en levant les mains au ciel.

Je pressai le pas, — elle m’attira par les cheveux et elle me donna un baiser à ressort qui me rejeta contre le mur où mon crâne enfonça un clou !

Oh ! ces mères ! quand la tendresse les prend ! Ça ne fait rien, le clou m’a fait une mâchure.

Ces mères qu’on croit cruelles et qui ont besoin tout d’un coup d’embrasser leur petit !

Quel coup ! j’ai mal pourtant ! et je me frotte l’occiput.

« Jacques ! veux-tu ne pas te gratter comme ça ! Ah ! tu sais, j’ai regardé le fond du grand chaudron, tout à l’heure : — tu appelles ça nettoyer, mon garçon, tu te trompes ? Il y a deux jours qu’on n’y a pas touché, je parie !

— Ce matin, maman !

— Ce matin ! tu oses !…

— Je t’assure.

— Allons c’est moi qui ai tort, c’est ta mère qui ment.

— Non ! m’man.

— Viens que je te gifle ! »


Chère Marianne, depuis ce jour-là, elle fut bien malheureuse. Elle écrivit à sa mère qui l’aimait bien,