Je regarde mourir la nuit, arriver le matin ; une espèce de fumée blanche monte dans le ciel.
J’ai vu, comme un assassin, passer seules en face de moi les heures sombres ; j’ai tenu les yeux ouverts quand les autres enfants dorment ; j’ai regardé en face la lune ronde et sans regard comme une tête de fou ; j’ai entendu mon cœur d’innocent qui battait au-dessus de cette chambre silencieuse. Il a passé un courant de vieillesse sur ma vie, il a neigé sur moi. Je sens qu’il est tombé du malheur sur nos têtes !
Qu’est-il arrivé ? Je voudrais le savoir.
J’ai connu souvent des situations douloureuses ; mais je n’ai jamais tremblé comme je tremblais ce jour-là, quand je me demandais comment on allait m’accueillir, de quel œil me regarderait mon père qui avait dit si pâle : « Non, non, n’appelle pas ! »
J’avais peur qu’ils eussent honte devant moi.
Je cherchais quel visage il fallait qu’eût leur fils, quels mots je devais dire, s’il ne serait pas bon d’aller les embrasser. — Mais par qui commencer ?
Et je frissonnais de tous mes membres… chose bizarre, — plus effrayé d’être gauche, d’avancer, ou de pleurer à faux, qu’effrayé du drame inconnu dont je ne savais pas le secret.
C’est ainsi quand on n’est point sûr du cœur des siens et qu’on craint de les irriter par les explosions de sa tendresse ; instinctivement on sent qu’il ne faut pas à ces douleurs un accueil cruel, le cœur ne saurait