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Si je voyais un veau dans la chambre, je sauterais par la fenêtre ; mais ce n’est pas probable, et je rêvasse en me déshabillant.


10 heures.

J’avais allumé la chandelle, et je lisais ; mais la chandelle va finir, il n’en reste plus qu’un bout pour mes parents quand ils rentreront.

Je monte dans ma soupente. Je couche dans une soupente à laquelle on arrive par une petite échelle ; on y étouffe en été, on y gèle en hiver ; mais j’y suis libre, tout seul, et je l’aime, ce cabinet suspendu, où je peux m’isoler, dont les murs de bois ont entendu tous les murmures de mes colères et de mes douleurs.


Minuit.

Je m’étais assoupi ! — Je me suis réveillé brusquement !

Un bruit confus, des cris déchirants, — un surtout qui m’entre au cœur et me le fend comme un coup de couteau. C’est la voix de ma mère…

Je saute au bas de l’échelle, en chemise ; l’échelle n’était pas accrochée et je tombe avec fracas. Je me suis presque fendu le genou sur le carreau.

C’est dans l’escalier que le drame se passe ; entre ma mère qui est renversée sur la rampe, les yeux hagards, et mon père qui la tire à lui, pâle, échevelée.

Je me jette en pleurant au milieu d’eux. Qu’y a-t-il ?