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forcé de rester en ville ce dimanche-là, pour aller à une heure faire ma retenue — dans l’étude des internes, au lycée même.

Adieu la maison de campagne !

Je les vis partir avec les paniers de provisions.

Les dames avaient mis ce jour-là des robes neuves.

Madame Brignolin était charmante : un peu décolletée, avec une écharpe à raies bleues, des bottines prunelles, et elle sentait bon — mais bon !

Ma mère étrennait un châle vert qui criait comme un damné à côté de la robe de mousseline fraîche à pois roses, qui faisait brouillard autour de madame Brignolin.


On m’avait tracé mon programme. Je devais déjeuner avec des haricots à l’huile, aller en retenue — puis me rendre chez l’économe, M. Laurier, qui me ferait dîner à sa table.

« C’est plus que tu ne mérites, » m’avait dit ma mère.

Cette perspective était assez flatteuse pour que le regret de ne point aller à la maison de campagne ne fût pas trop grand ; et j’acceptai mon sort de bon cœur.

Je mangeai les haricots à l’huile, — j’allai jouer aux billes avec des petits ramoneurs que je connaissais. — J’arrivai à la retenue en retard et couvert de suie, — je trouvai moyen, sous prétexte de besoins urgents, d’aller flâner dans le gymnase, où je décrochai un trapèze et faillis me casser les reins ; je bâclai mon