Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dame Brignolin est pour quelque chose dans cette tristesse noire de la maison, dans cette colère blanche de ma mère.

Ma mère reste de longues soirées sans rien dire, les yeux fixes et les lèvres pincées. Elle se cache derrière la fenêtre et soulève le rideau, elle a l’air de guetter une proie.


« Vous ne voyez plus madame Brignolin ? lui demande un jour une voisine.

— Si, si !

— Il y a un peu de froid ?

— Non, non !… nous allons même à la campagne ensemble, dimanche prochain. »

En effet, j’ai entendu parler d’une partie qui est comme une réconciliation après quelques semaines de froideur ; j’ai aussi distingué quelques mots que ma mère a prononcés tout bas : « N’avoir l’air de rien, les laisser seuls, venir à pas de loup… »

On se fait de nouveau des amitiés, on se voit le jeudi et l’on combine tout pour le dimanche.


J’avais justement gobé une retenue !

J’avais laissé tomber un morceau de charbon en pleine classe — du charbon ramassé près de la maison de campagne. J’avais entendu M. Brignolin dire qu’il y avait du diamant dans les éclats de mine ; et depuis ce jour-là, je ramassais tous les morceaux qui avaient une veine luisante, un point jaune.

Le professeur crut à une farce, — me voilà pincé !