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C’est toujours à la santé de madame Vingtras qu’on boit d’abord !

Elle répond toute rouge de joie : son sang de paysanne coule plus libre dans cette atmosphère de campagne, avec ces petites odeurs de cabaret et ces vues de fermes dans le lointain !

À peine elle pense à mon pantalon que je dois retrousser, à mes chaussures neuves qui ont des boulets de boue. Madame Brignolin, d’ailleurs, l’en empêche.

« Il faut que tout le monde s’amuse ! » dit-elle en lui fermant la bouche et en la tirant par le bras pour l’entraîner à la promenade ou au jardin.

C’est mon père qui paraît heureux !

Il joue comme un enfant ; c’est lui qui fait le pôt aux quatre coins, qui pousse la balançoire quand on est las de jouer, il chante (il a un filet de voix). Madame Brignolin lance après lui des chansons du Midi.

Ma mère — paysanne — dit : « Ça, c’est des airs de freluquets, » et elle entonne en auvergnat :


Digue d’Janette,
Te vole marigua
Laya !
Vole prendre un homme !
Que sabe trabailla,
Laya !


« Laya ! » reprend madame Brignolin en esquissant à son tour une pose de danse — rien qu’un geste, la tête renversée, le buste pliant et puis tout d’un coup un ramassis de jupes, un rejeté de hanche !