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on revient vers la petite maison qui est coiffée de rouge et chaussée de vert.

Il y a un jardinet, deux arbres, des carrés de pensées, un soleil.

Ces pensées, je les vois encore, avec leurs prunelles d’or, et leurs paupières bleues, je sens le velours de leurs feuilles, et je me rappelle qu’il y avait une touffe dont je prenais soin ; il en reste encore des pétales dans un vieux livre où je les avais mises.

Quelquefois la maison s’allume, et nous voyons de loin la lampe qui luit comme une étoile.

Ces dames et mon père improvisent un souper de fruits, avec du lait et du pain noir. On est allé chercher tout cela dans le fond du village. — Quel calme ! J’en ai des larmes de félicité dans les yeux.


Le dimanche, c’est un brouhaha ! Nous portons les provisions. Madame Brignolin met un tablier blanc, ma mère retrousse sa robe, et mon père aide à éplucher les légumes. — On nous jette, à nous, quelques carottes crues à grignoter, et nous aidons pour la cuisine, nous faisons tourner le poulet devant le feu de braise (en arrêtant en route les larmes de jus) : nous embrouillons tout, nous troublons tout, nous cassons tout, personne ne s’en plaint.

C’est un bruit de casseroles et d’assiettes, puis un bruit de mâchoires, puis un bruit de bouchons ! — Au dessert, on goûte au vin blanc mousseux.

On trinque, on retrinque.