est associé dans une fabrique de produits chimiques, et il a déjà inventé un tas de choses qui font bouillir ses fourneaux et sa marmite : il est toujours dans les cornues, et j’ai même remarqué que l’on riait quand on disait ce mot-là.
Il y a une cousine dans la maison : mademoiselle Miolan.
Elle a vingt ans : douce, complaisante et pâle, pâle comme la cire, et j’entends dire tout bas qu’elle va bientôt mourir.
Madame Brignolin est pleine de bonté pour elle, nous l’aimons tous ; nous jouons aux cartes et aux dés sur ses genoux ; elle nous fait des cocardes avec des bouts de rubans, — elle est si habile de ses doigts maigres ! elle a dans une poche un portefeuille à coins de nacre, la seule chose qu’elle nous empêche de toucher : « c’est là qu’est mon cœur », a-t-elle dit un jour, et l’on raconte qu’elle meurt d’un amour perdu.
Le jour où madame Brignolin contait cela, mon père était près d’elle. Ma mère était absente. Je tournai la tête : j’entendis un soupir, et, quand je regardai, je vis madame Brignolin qui avait les mains sur celles de mon père et les yeux dans ses yeux ! Il avait l’air gêné, lui ; elle souriait doucement, et elle lui dit :
« Grand bête ! »
Je devinai que je les embarrassais et ils jetèrent sur moi, tous les deux en même temps, un regard qui voulait dire : « Pas devant lui, » ou « Pourquoi est-il