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« Si nous le tordions ? » dit une cousine, en faisant un geste de lessive.

Elles vont de leur côté derrière une pierre qui les cache mal, ôter leurs bas ; elles ont les jambes trempées, quoi qu’elles en disent… et si blanches !

Enfin nous voilà séchés, et nous repartons joyeux.

Nous avons les yeux clairs, la peau brillante. Nous prenons des chemins bordés de mûres, et pleins de petites prunes violettes qui sont aigres comme du vinaigre, et que nous mangeons à poignées, — j’avale les noyaux pour faire l’homme.

On se fâche, on se perd ! mais on se retrouve toujours bras dessus, bras dessous, raccommodés et curieux : moi racontant ce que je fais à Saint-Étienne, les farces de collège ; elles disant des gaietés de pension, ceci, cela, et finissant par crier :

« Laquelle aimez-vous le mieux de nous deux ?

— Laquelle aimes-tu mieux ? » dit carrément Marguerite, qui jette le vous par-dessus les moulins et se plante devant moi.

Ne sachant que répondre, je les embrasse toutes deux.

On me fouette la figure avec une fleur et l’on s’écarte pour me bombarder de prunes violettes.


Le soir nous trouve un peu las, et nous causons sur la pierre usée devant la maison, comme de petits vieux à la porte d’une auberge.

Ah ! c’est Marguerite que je préfère décidément ! Elle me prend la main toujours à la fin de ses phrases,