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reux comme je ne l’ai jamais été, comme je ne le serai jamais ! J’enfonce jusqu’aux chevilles dans les fleurs et je viens d’embrasser des joues qui sentaient la fraise.

Il faut rentrer, on nous appelle ! Nous revenons comme des gens sages, et ces demoiselles m’ont pris chacune par un bras ; elles s’appuient un peu en croisant les mains et me secouant le coude, chaque fois qu’elles veulent m’apprendre quelque chose, ou me demander ce que je sais.

On me gronde déjà, remarquez ! On prétend que je ne réponds pas ou que je réponds mal. « On ne me dira plus rien si je me moque comme ça… Voulez-vous bien ! »

On me donne des tapes, on me fait des reproches.

C’est que j’ai adopté un système pour être à l’aise : je les embrasse quand elles me posent une question que je trouve trop difficile.

Ah ! que j’ai bien fait de boire du vin !

Elles veulent me rouler.

« Vous savez la géographie ?

— Pas trop.

— Vous savez bien quel est le chef-lieu de… »

Je l’ignore absolument, et, pour m’en tirer, j’embrasse, j’embrasse ; j’en perds mon assurance, malgré le verre de vin, et si elles ne faisaient pas des petites mines pour se cacher, elles me verraient rougir comme une pivoine.


Nous arrivons à table. Il est midi. Les sabots des