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Je ne sais si je suis le plus fort, mais on le croit, tant j’y mets de volonté ! J’aurais préféré vomir le sang par la bouche que lâcher la pierre ou demander grâce à Michelon.

Je suis mon maître ; je fais ce que je veux et même je suis un peu le chef, celui qu’on écoute et qui a dit l’autre jour, quand un voyou nous a jeté une pierre ; « Ne bougez pas, vous autres ! » — J’ai attrapé le voyou et je l’ai ramené en le tenant par la ceinture, et en le calottant jusque devant la bande. — « Demande pardon ! » Il était plus grand que moi.


Nous avons fait une partie de bateau ; personne ne sait ramer, et nous avons failli nous noyer dix fois. Ah ! nous nous sommes bien amusés !

On m’avait voulu nommer capitaine.

« Des blagues ! nommez Michelon ; moi, je me couche. »

Et je me suis étendu dans le bateau, regardant le soleil qui me faisait cligner les yeux, et trempant mes mains dans l’eau bleue…


Un oncle de je ne sais quelle branche court après moi dans le Martouret et ne prend que le temps d’aller avertir mademoiselle Balandreau qu’il m’emmène dans sa carriole voir sa famille ; il me renverra après-demain.

« Filons, mon neveu. Hue ! la Grise. »

C’est moi qui tiens les rênes en passant dans le faubourg. J’envoie de temps en temps un coup de