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Ma malle est aux messageries.

Je dis cela avec un revenez-y de vanité, il est entendu que j’irai avec un petit voisin la chercher.

« C’est bien lourd pour toi, » dit mademoiselle Balandreau.

Il y a mon trousseau, quelques chemises, ma veste neuve, un paquet pour la tante Rosalie, un paquet pour le vieil oncle et une pierre pour un monsieur.

Ce monsieur est un personnage qui fait une collection de cailloux et a cherché partout un rognon.

J’ai entendu parler de ce rognon pendant six mois, toujours avec le même étonnement ; à la fin on a trouvé une chose couleur de fer, que mon père a empaquetée avec soin et que je dois porter au collectionneur ; il est parent de je ne sais plus qui dans la haute Université, et la fortune professionnelle de mon père peut s’accrocher à ce rognon.

Ce mot de rognon me gêne tout de même, et quand une dame, qui se trouve là au moment où je déboucle ma malle, demande ce que c’est que ce caillou bleu, je ne lui dis pas comment on l’appelle.

J’emporte vite cette pierre chez le destinataire qui la tourne, retourne et la regarde comme on mire un œuf. Il me reconduit et me met cinq francs dans la main en arrivant à la porte.

« C’est pour toi, fait-il.

— Pas pour mes parents ? ai-je dit tout bouleversé.

— Pour toi, pour t’amuser en vacances. »


Je viens de faire le tour de la ville, j’ai longé la ri-