partisans. Les uns tiennent pour le lapin, les autres pour le Suisse — c’est moi, le Suisse — et je sens toute la responsabilité qui pèse sur ma tête. Quelquefois l’animal fait un bond qui épouvante les miens. Je voudrais changer de main, le prendre par la queue de temps en temps. Je n’ose pas devant cette foule.
Je n’ai pas le courage de tourner la tête, mais je devine que les rangs se sont grossis.
On marque le pas.
Je suis en avant, à quelques pas de la colonne, seul comme un prophète ou un chef de bande…
On se demande sur la route ce que nous voulons, si c’est une idée religieuse ou une pensée sociale qui me pousse.
Si elle est pratique, on verra ; — mais que je laisse là le lapin ! — Est-ce un drapeau ? — Il faut le dire alors.
Mes doigts sont crispés, les oreilles vont me rester dans la main. Le lapin fait un suprême effort…
Il m’échappe ! Mais il tombe en aveugle dans ma culotte — une culotte de mon père, mal retapée, large du fond, étroite des jambes. — Il y reste.
On s’inquiète, on demande…
Les foules n’aiment pas qu’on se joue d’elles. On n’escamote pas ainsi son drapeau !
— Le La-pin ! Le La-pin ! — sur l’air des Lampions.
Des gens se mettent aux fenêtres ; les curieux arrivent.
Le lapin est toujours entre chair et étoffe, je le sens.