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Jacques ! Je me vois encore dans le miroir de l’armoire, pudique dans mon impudeur, courant sur le carreau qu’on lavait du même coup, nu comme un amour, cul-de-lampe léger, ange du décrotté.

Il me manquait un citron entre les dents, et du persil dans les narines, comme aux têtes de veau. J’avais leur reflet bleuâtre, fade et mollasse, mais j’étais propre, par exemple.


Et les oreilles ! ah ! les oreilles ! On tortillait un bout de serviette et on l’y entrait jusqu’au fond, comme on enfonce un foret, comme on plante un tire-bouchon…

Le petit tortillon était enfoncé si vigoureusement que j’en avais les amygdales qui se gonflaient ; le tympan en saignait, j’étais sourd pour dix minutes, on aurait pu me mettre une pancarte.

La propreté avant tout, mon garçon !

Être propre et se tenir droit, tout est là.


Je suis propre comme une casserole rétamée. Oui, mais je ne me tiens pas droit.

C’est-à-dire que pendant que j’apprends mes leçons, je m’endors souvent, et je me cache la tête dans les bras, le dos en rond.

Ma mère veut que je me tienne droit.

« Personne n’a encore été bossu dans notre famille, ce n’est pas toi qui vas commencer, j’espère ! »

Elle dit cela d’un ton de menace, et si j’avais l’intention d’être bossu, elle m’en ôterait du coup l’envie.