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Jacques, tu mens !

Tu dis que ta mère t’oblige à ne pas manger ce que tu aimes.

Tu aimes le gigot, Jacques.

Est-ce que ta mère t’en prive ?

Ta mère en fait cuire un le dimanche. — On t’en donne.

Elle en mange froid le lundi. — T’en refuse-t-on ?

On le fait revenir aux oignons le mardi — le jour des oignons c’est sacré — tu en as deux portions au lieu d’une.

Et le mercredi, Jacques ! qui est-ce qui se sacrifie, le mercredi, pour son fils ? Le jeudi, qui est-ce qui laisse tout le gigot à son enfant ? Qui ? parle !

C’est ta mère — comme le pélican blanc ! Tu le finis le gigot — à toi l’honneur !

« Décrotte l’os ! ce n’est pas moi qui t’empêcherai d’en manger, va ! »

Entends-tu, c’est ta mère qui te crie de ne pas avoir de scrupules, d’en prendre à ta faim, elle ne veut pas borner ton appétit… « Tu es libre, il en reste encore, ne te gêne pas ! »

Mais Dieu se reposa le septième jour ! voilà huit fois que j’en mange ! J’ai un mouton qui bêle dans l’estomac : grâce, pitié !

Non, pas de grâce, pas de pitié. Tu aimes le gigot, tu en mangeras.

« As-tu dit que tu l’aimais ?

— Je l’ai dit, lundi…

— Et tu te contredis samedi ! mets du vinaigre, —