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mirent sur mon front de faussaire un masque impénétrable et que nulle main n’a réussi à arracher.

Je me dénonce moi-même, et je vais dire dans quelle circonstance je commis ce faux, comment je fus amené à cette honte, et avec quel cynisme j’entrai dans la voie du déshonneur.


Des gravures ! la Vie de Cartouche, les Contes du Chanoine Schmidt, les Aventures de Robinson suisse !… un de mes camarades, — treize ans et les cheveux rouges, — était là qui les possédait…

Il mit à s’en dessaisir des conditions infâmes ; je les acceptai… Je me rappelle même que je n’hésitai pas.

Voici quelles furent les bases de cet odieux marché :

On donnait au collège de Saint-Étienne, comme partout, des exemptions. Mon père avait le droit d’en distribuer ailleurs que dans sa classe, parce qu’il faisait tous les quinze jours une surveillance dans quelque étude ; il allait dans chacune à tour de rôle, et il pouvait infliger des punitions ou délivrer des récompenses. Le garçon qui avait les livres à gravures consentit à me les prêter, si je voulais lui procurer des exemptions.

Mes cheveux ne se dressèrent pas sur ma tête.


« Tu sais faire le paraphe de ton père ? »


Mes mains ne me tombèrent pas des bras, ma langue ne se sécha pas dans ma bouche.