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Il me retrouve gelé, moulu, les cheveux secs, la main fiévreuse ; il s’excuse de son mieux et m’entraîne dans sa chambre, où il me dit d’allumer un bon feu et de me réchauffer.

Il a du thon mariné dans une timbale « et peut-être bien une goutte de je ne sais quoi, par là, dans un coin, qu’un ami a laissée il y a deux mois. »

C’est une topette d’eau-de-vie, son péché mignon, sa marotte humide, son dada jaune.

Il est forcé de repartir, de rejoindre sa division. Il me laisse seul, seul avec du thon, — poisson d’Océan — la goutte, — salut du matelot — et du feu, — phare des naufragés.

Je me rejette dans le livre que j’avais caché entre ma chemise et ma peau, et je le dévore — avec un peu de thon, des larmes de cognac — devant la flamme de la cheminée.

Il me semble que je suis dans une cabine ou une cabane, et qu’il y a dix ans que j’ai quitté le collège ; j’ai peut-être les cheveux gris, en tout cas le teint hâlé. — Que sont devenus mes vieux parents ? Ils sont morts sans avoir eu la joie d’embrasser leur enfant perdu ? (C’était l’occasion pourtant, puisqu’ils ne l’embrassaient jamais auparavant.) Ô ma mère ! ma mère !

Je dis : « ô ma mère ! » sans y penser beaucoup, c’est pour faire comme dans les livres.

Et j’ajoute : « Quand vous reverrai-je ? Vous revoir et mourir ! »

Je la reverrai, si Dieu le veut.