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sait mal à mon âme. J’ai quelquefois pleuré étant petit ; on a rencontré, on rencontrera des larmes sur plus d’une page, mais je ne sais pourquoi je me souviens avec une particulière amertume du chagrin que j’eus ce jour-là. Il me sembla que ma mère commettait une cruauté, était méchante.

Tout malade encore, presque estropié, enfermé depuis des semaines dans une chambre avec la souffrance et la fièvre, j’avais besoin de causer à des enfants comme moi, de leur demander des nouvelles, et de leur raconter mon histoire.

Ils avaient eu l’air bon comme tout, en venant à moi dans l’escalier, et m’avaient dit avec affection : « Comme tu es pâle !… » Il y avait dans leur voix de l’émotion, presque de l’amitié. Braves petits garçons, saine nichée de savetiers, marmaille au bon cœur ! Je les aimais bien. Ma mère aurait mieux faire de me battre et de me laisser les revoir quand mon bras fut guéri.