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siège, une nouvelle chute, un flot si terrible d’émotions. J’aurais voulu que ma mère le sût, que mon père le comprît, et on ne m’aurait peut-être pas frappé.

On ne me frappa pas — on fit pire.

On savait que je m’amusais chez les Fabre, on me punit par là.


Au surplus, il y avait longtemps que ma mère était jalouse et honteuse ; elle souffrait de me voir traîner dans un monde de cordonniers, et depuis quelques semaines elle nourrissait le projet de m’en détacher.

Seulement elle était bavarde, la mère Vingtras, et on l’écoutait chez les Fabre. Avec leur bonhomie, ils croyaient peut-être qu’elle leur était supérieure, cette dame à chapeau ; en tout cas, ils lui prêtaient une oreille complaisante, et l’on écartait la poix et la colle avec politesse, quand elle venait me chercher.

Elle voulait que son Jacques ne frayât plus avec les savetiers, mais elle ne voulait pas perdre un auditoire.

Mon aventure de mardi gras lui permit de basculer la situation, de ménager la chèvre et le chou.

Elle m’infligea comme punition de ne plus y retourner ; elle ne se brouilla point pourtant.

« Il faut punir Jacques, n’est-ce pas ? Il faut le punir, mais il a déjà assez souffert, le pauvre enfant.

— Oh oui, dit la mère Fabre qui pensait qu’une approbation — même de savetière — ferait pencher la balance du côté du pardon.

— Aussi je ne veux pas le battre. »

J’entendais la conversation, non pas que je l’écou-