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Le décret du 19 mars 1859, que je citais tout à l’heure, est précédé d’un rapport dans lequel se trouve nettement établie une distinction fondamentale entre la liberté de conscience et la liberté des cultes, entre le for intérieur et le culte extérieur : l’un, entièrement libre et inviolable ; l’autre soumis, non-seulement à certaines mesures d’ordre et de pénalité, mais à une législation essentiellement restrictive et préventive. M. Guizot, qu’on n’accusera jamais de méconnaître les conditions et les nécessités de l’ordre, a porté, sur cette déclaration officielle, le jugement qu’on va lire : « Nous ne saurions, dit-il[1], laisser passer sans protestation des idées et des paroles qui porteraient atteinte à l’essence même de nos libertés et aux principes sur lesquels elles se fondent. Ce n’est pas seulement la liberté de conscience et du for intérieur, c’est bien la liberté des cultes qui nous a été et nous est promise par toutes nos Constitutions[2]. Nous sommes très-convaincus qu’il n’entre aujourd’hui dans la tête de personne de porter atteinte à la liberté religieuse intime et individuelle ; personne ne songe à pénétrer au dedans de chaque âme et à y établir la force en matière de foi. Il n’y a que l’inquisition qui ait prétendu abolir la liberté de conscience, et nous avons droit aujourd’hui à quelque chose de plus que de ne pas subir l’inquisition. Nous avons droit à la liberté des cultes réelle, efficace, garantie. C’est la terre de Chanaan, promise et assurée, sinon encore pleinement possédée. Nous serons reconnaissants de toutes les mesures qui nous feront faire un pas, même petit et lent, vers ce but ; mais nous ne serons satisfaits que lorsque nous l’aurons at-

  1. Société biblique protestante de France, séance publique annuelle du 4 mai 1869.
  2. Charte de 1814, art. 5. Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, du 22 avril 1815, art. 62. Charte du 14 août 1830, art. 5. Préambule de la Constitution de 1848, art. 8. Constitution, art. 7. Constitution du 44 janvier 1852, art. 26.