Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lation sous le régime mixte des concordats, c’est-à-dire des religions protégées. En effet, l’État qui, dans un concordat, stipule à son profit le droit de refuser les décrets d’une église par lui reconnue, et de s’opposer à l’extension de cette église dans une localité nouvelle, ne peut guère, s’il est logique, se désarmer en présence des églises inconnues qui viendraient à s’implanter dans le sol. Ceux qui regardent les concordats comme un régime définitif et excellent en lui-même, peuvent donc et doivent en quelque sorte se montrer partisans de l’autorisation préalable. Au contraire, ceux qui, comme nous, repoussent les concordats, peuvent se faire un argument de la connexité des concordats avec l’autorisation préalable ; car il est facile de montrer qu’un régime dont l’autorisation préalable est la conséquence, ne peut être considéré de bonne foi comme conciliable avec la liberté des cultes.

En effet, qu’est-ce que l’autorisation préalable, sinon le droit de proscrire une religion ? Nous écrivons dans la même loi le principe de la liberté des cultes, et la nécessité de l’autorisation préalable : s’il y eut jamais dans la législation d’un peuple une contradiction manifeste, la voilà. Les idées de liberté et de prévention s’excluent. Autant vaudrait dire, en vérité, qu’on accorde la liberté de la presse à condition que tous les écrits seront soumis à la censure[1]. « Je ne crois pas, dit M. de Broglie[2] que quand l’article 5 de la Charte a dit que chacun en France professait librement sa religion et obtenait pour son culte une égale protection, on ait entendu dire que chacun professait le culte qu’il lui serait permis de professer. »

  1. Voici les paroles adressées par l’empereur Napoléon le lendemain de son sacre, à une députation protestante : « Je veux que l’on sache bien que mon intention et ma ferme volonté sont de maintenir la liberté des cultes… et si quelqu’un de ceux de ma race, devant me succéder, oubliait le serment que j’ai prêté, et que, trompé par l’inspiration d’une fausse conscience, il vînt à le violer, je le voue à l’animadversion publique, et je vous autorise à lui donner le nom de Néron. »
  2. Chambre des pairs, séance du 11 mai 1843.