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missaire de police. Voilà donc, par cette nécessité d’une autorisation préalable, la liberté des cultes détruite ou grandement compromise, et l’État transformé en théologien et en théologien tout-puissant, lui qui, par son principe, est indifférent à toutes les religions positives. Qui ne serait effrayé de telles conséquences ?

Je le répète donc : pour assurer l’indépendance des Églises, l’égalité et la liberté des cultes, et pour ne pas courir le risque de frapper un impôt injuste, on doit souhaiter la suppression des budgets et la séparation absolue de l’État et des Églises.

4. Qu’est-ce qu’une Église protégée ? c’est une Église gouvernée. C’est aussi une Église limitée, car on lui mesure la propagande. La publication d’un livre, l’ouverture d’une chapelle n’est plus une question de foi ; c’est une question de police. Un livre de controverse, donné ou prêté à un voisin, est une contravention, passible d’emprisonnement et d’amende, à la loi du colportage[1]. On ne peut se réunir pour prier en commun, pour entendre un prédicateur, sans la permission préalable de l’autorité.

  1. M. Baesner ayant été condamné pour fait de colportage par la Cour de Colmar, son appel est venu à la Cour de cassation, quia rendu l’arrêt suivant, à la date du 30 avril 1859. — « La Cour,
     « Sur le moyen tiré de ce que le fait de simple communication d’un exemplaire d’un écrit par une personne à une autre n’est pas un fait de distribution dans le sens légal ;
     « Attendu qu’en déclarant que la disposition de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1849 est générale et absolue, que dès lors elle s’applique à tout fait, même accidentel, de colportage et de distribution, l’arrêt attaqué reconnaît qu’il ne faut pas confondre, avec les distributions qu’il veut punir, les communications bienveillantes de livres et d’écrits ;
     « Qu’après avoir établi en droit cette distinction qui ressort du texte comme de l’esprit de la loi, il constate en fait que Baesner est coupable d’avoir, le 17 décembre 1858, colporté et distribué, sans être pourvu de l’autorisation exigée par la loi, le petit livre allemand intitulé : Enseignement de l’Écriture sainte sur la vénération de la Vierge Marie ;
     « Que pour donner à ce fait unique, qui sert de base à la prévention, son véritable caractère, pour reconnaître s’il y a eu simple communication ou distribution dans le sens légal, la cour impériale de Colmar a dû rechercher dans les habitudes du prévenu, comme dans ses antécédents,