Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La statistique, en pareille matière, est très-difficile à établir ; elle est d’ailleurs très-variable par la nature même des choses. Ainsi l’injustice n’est pas seulement possible, elle n’est pas seulement probable ; elle est, en quelque façon, nécessaire, et ni l’impartialité ni le talent de ceux qui gouvernent ne suffisent pour en garantir leurs administrés.

3. Si un budget des cultes se comprend parfaitement au point de vue des contribuables et de l’établissement de l’impôt dans un pays où il n’y a qu’une religion, les difficultés se pressent dès que toutes les religions sont accueillies et que les cultes, par les conditions mêmes de leur organisation intérieure, sont inégalement rétribués.

Il y a plus : nous ne parlons jusqu’ici que des cultes déjà existants ; mais le législateur peut-il poser en principe qu’il ne se fondera pas de culte nouveau ? Ce serait attenter à la liberté. Peut-il vouloir que les cultes anciens aient seuls des droits, et que les cultes qui pourraient se fonder à l’avenir n’en aient point ? Ce serait constituer en faveur de certaines religions un droit d’aînesse, et remplacer une religion d’État par plusieurs religions d’État. Donc, si les cultes anciens reçoivent un salaire, et un salaire proportionnel, il faudra assurer aux cultes nouveaux les mêmes avantages et le même revenu. Cela ne fait pas de doute, et cela crée une difficulté presque inextricable, car il ne peut dépendre du premier prophète venu de s’ériger en ministre d’un culte et de se donner ainsi de sa propre autorité, des droits sur le trésor public qui constitueraient une véritable oppression du budget. L’obligation de payer crée pour l’État le droit de contrôler. C’est donc lui, grâce au budget, qui décidera si un culte est un culte ou une momerie ; si une religion est réellement une religion ; si les prophètes, si les prêtres sont autre chose que des charlatans ou des imposteurs. Il faudra qu’une religion nouvelle obtienne sa patente de l’autorité administrative et qu’elle fasse reconnaître ses droits par un com-