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à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue soit au dedans soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose au préjudice de l’État, je le ferai savoir au gouvernement. Et si, tam in diœcesi meâ quàm alibi, noverim aliquid in Statûs damnum tractari, gubernio manifestabo[1]. »

Il est donc parfaitement vrai de dire que le régime de la protection entame la liberté des Églises, et qu’une religion n’est vraiment dans la plénitude de son caractère sacré, que quand il lui est permis de s’isoler absolument de l’État.

2. Je tire un autre argument en faveur de la séparation, de la position nécessairement inégale que le régime de la protection fait aux Églises. En fait, il est bien évident que, si la distribution des budgets et des édifices religieux est faite avec partialité, et s’il y a un culte mieux partagé que les autres, il devient dominant, non par sa force propre, ce qui serait juste, mais par la force que l’État lui donne, ce qui constitue une atteinte à la liberté religieuse. Cependant, peut-on compter sur une répartition strictement proportionnelle et sur une justice toujours égale ? Les membres du gouvernement n’appartiendront-ils pas eux-mêmes à une communion particulière ? Même en supposant les chefs de l’État toujours impartiaux et intègres, comment pourront-ils tenir la balance égale entre une majorité et des minorités ? entre des Églises dont les besoins et les exigences sont considérables, et d’autres qui ne demandent, pour ainsi dire, que la permission de vivre[2] ?

  1. Concordat, art. 6 ; art. 7 : « Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le gouvernement. » Art. org., titre II, sect. 4, art. 27 : « Les curés ne pourront entrer en fonctions qu’après avoir prêté, entre les mains du préfet, le serment prescrit. »
  2. Budget de 1867 ; dépenses du culte catholique : 45 911 950 ; des cultes non catholiques (protestants et Israélites}, 3 134 000 fr.