Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires intérieures du catholicisme, comme au temps où le roi de France était le roi très-chrétien.

D’abord l’État nomme les évêques[1] et approuve la nomination des curés[2] : il tient par là tout le personnel. Ce droit de nomination se concevait à la rigueur sous François Ier, qui l’obtint du pape Léon X, et sous ses successeurs orthodoxes ; mais aujourd’hui, après la Révolution de 1789, et l’abolition définitive du titre de religion d’État, le droit de nommer les évêques, c’est-à-dire les juges de la foi catholique, peut être exercé par un protestant ou un juif. N’est-ce pas un grand abaissement, un grand danger pour une Église ? Quand le pape a maintenu ce droit du pouvoir civil dans le concordat de 1801, il a fait stipuler qu’une nouvelle convention serait nécessaire si jamais le pouvoir exécutif en France passait en des mains hérétiques[3].

Mais cette clause est devenue inexécutable par la force des choses ; et il ne reste plus à l’Église, depuis plus de cinquante ans, qu’à faire des vœux pour que les pouvoirs qui se succèdent en France exercent ce droit formidable avec intelligence et honnêteté ; car le droit d’investiture que le Pape s’est réservé ne constitue à son profit qu’un simple droit de Veto, d’une application difficile et souvent dangereuse[4].

  1. Concordat de 1804, art. 4.
  2. Concordat de 1801, art. 10, § 2.
  3. Concordat de 1801, art. 17 : « Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu’un des successeurs du premier consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l’article ci-dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle convention. »
  4. M. Parisis, dans son livre des Cas de conscience, distingue avec raison deux sortes de religions d’État : celles dont le pouvoir civil reconnaît la suprématie sur lui-même, et celles qu’il soumet, au contraire, à sa propre autorité. M. Parisis ne dit pas, mais il fait entendre que si le catholicisme avait le nom de religion d’État, en France, en conservant le concordat de 4 801, il serait une religion d’État de la seconde sorte, c’est-à-dire une religion d’Étal asservie, ayant à la fois l’odieux de la domination qu’elle exercerait sur les autres cultes, et la honte de l’assujettissement dans lequel la retiendrait le pouvoir civil. II y a sans doute une grande différence entre la condition faite au catholicisme par le con-