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En Prusse, le culte israélite est toléré[1] ; on peut dire qu’il est traité avec faveur depuis quelques années, car les juifs ne sont plus astreints à porter sur leurs vêtements une marque extérieure de leur religion ; il y a même une loi de l’État qui proclame la liberté absolue de tous les cultes : c’est l’article 12 de la Constitution du 21 janvier 1850. Mais si la constitution appelle les juifs à tous les emplois, l’État les repousse impitoyablement de tous les degrés de la hiérarchie. Ils ne peuvent être ni magistrats, ni officiers, ni professeurs. La carrière des fonctions leur est interdite dans un peuple de fonctionnaires[2]. Il y a quelques années, un député, M. Wagener, demanda à la seconde chambre la suppression de cet article 12, qui n’était alors et qui n’a été depuis qu’une lettre morte. Loin de se montrer favorable à cette proposition, la commission nommée par la chambre apporta un projet de loi ainsi conçu : « La liberté de la confession religieuse, de l’union des corporations religieuses, et de l’exercice privé et public des

  1. Malgré le paragraphe de la constitution qui reconnaît la liberté des cultes, ou distingue en Prusse quatre catégories de religions : 1o Les communions expressément reconnues ; il y en a deux : la communion évangéllque et le catholicisme ; 2o les communions reconnues, mais non privilégiées ; il y en a quatre : les séparatistes (ou vieux luthériens), les frères moraves, les unitaires de Bohême et les réformés français ; 3o les cultes tolérés, parmi lesquels il faut compter les quakers, les sectateurs de Renge, les grecs et les juifs ; 4o enfin, les sectes nouvelles, obligées de solliciter la permission d’exister.
     Les relisions tolérées, et le judaïsme, par conséquent, n’ont pas le droit de célébrer un culte public.
  2. L’article 12 de la constitution prussienne du 31 janvier 1850 est ainsi conçu : « La jouissance des droits civils et politiques est indépendante de la confession religieuse. » M. Wagener, qui l’attaqua en 1856 est l’ancien rédacteur en chef de la Gazette de la Croix. Il demandait l’abolition de ce paragraphe, a attendu, disait-il, que le principe dont il est l’expression est contraire à ceux d’un Étal chrétien. « Cette proposition fut appuyée par vingt-neuf membres. Elle donna lieu à 264 pétitions qui ont été recueillies par un écrivain très-distingué, M. le docteur Philippson grand rabbin de Magdebourg, sous ce titre : « Der Kampf der Preuzischen Juden für die Sache des Gewissensfreiheit. » Magdebourg et Leipzick, 1850.